lundi 12 mars 2018

De nouvelles espèces d’invertébrés marins à Dumont d’Urville

[Cet article a été rédigé par Stéphane HOURDEZ (CNRS, Station biologique de Roscoff, UMR 7144) et Pierre CHEVALDONNE (CNRS, IMBE station marine d’Endoume, Marseille). Ces deux "chercheurs-plongeurs" qui sillonnent les océans étaient de retour à Dumont D'Urville entre R2 et R3 cette année]

La faune marine de l’Antarctique a passionné les scientifiques depuis les grandes expéditions du début du XXème siècle. De nombreuses espèces inféodées au pourtour du continent glacé ont été décrites par de grands naturalistes au cours des années. Les méthodes de récolte étaient cependant très classiques (chalutages, dragages), ou limitées à la face inférieure de la banquise. Le programme POLARIS (programme 1102 IPEV) s’intéresse à la diversité génétique de plusieurs espèces d’annélides (vers marins annelés) et à comprendre si cette diversité pourra leur permettre de survivre au réchauffement climatique accéléré des siècles à venir.

Au cours de ce programme, différents environnements ont été échantillonnés afin d’inventorier la biodiversité marine présente : à la fois la diversité spécifique (inventaire des espèces) mais aussi la diversité au sein des populations présentes autour de la Base Dumont D’Urville (diversité intra-spécifique). Ainsi, nous avons découvert un environnement bien particulier que nous qualifions de « grottes de glace », qui sont en fait des fonds rocheux recouverts d’une banquette ou d’une portion de banquise, et dont les parois rocheuses sont recouvertes de glace. De telles « grottes » constituent sans doute un environnement singulier pour la faune antarctique, notamment du fait de cette omniprésence de la glace, ou de l’obscurité permanente et des faibles courants qui y règnent, car nous avons pu y voir des espèces que nous n’avions jamais vues à l’extérieur. Une fois de retour au laboratoire, certaines de ces espèces se sont avérées être nouvelles pour la Science, notamment deux espèces de vers marins de la famille des Polynoidae, ainsi probablement qu’un crustacé mysidacé, sorte de petite crevette.

Ces découvertes montrent bien que certains environnements difficiles d’accès avec des méthodes classiques d’échantillonnage ont le potentiel de mener à la découverte de nouvelles espèces. La plongée en Antarctique requiert des moyens importants et les bases en bord de mer sont en première ligne pour mener cette recherche d’inventaire de la biodiversité. Dans un monde dont le climat change rapidement, cet inventaire est d’autant plus important que ces espèces dépendantes de la glace pourraient être les premières à disparaître.


Un plongeur du programme POLARIS s'avance dans une "grotte de glace", île Claude Bernard, Base Dumont D'Urville. Crédit photo: Pierre CHEVALDONNE/CNRS

Deux nouvelles espèces découvertes dans ces environnements particuliers, des vers Polynoidae jusqu’à présent uniquement observés sur ou dans la glace. Crédit photo : Pierre CHEVALDONNE/ CNRS

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